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Angélique Jard – Staff Software Engineer

  • septembre 12, 2024
Staff Software Engineer, Bassiste dans un groupe pop/rock “TaffBreak”, Éleveuse de tomates à mes heures perdues.

Qu’as-tu envie de nous raconter de toi ?

Je suis Angélique Jard Henry, développeuse depuis 2006 et diplômée de Polytech’Grenoble.

  • Membre organisatrice de Duchess France et organisatrice de la communauté des contributrices au site www.duchess-france.fr, une association destinée à valoriser et promouvoir les développeuses ainsi que les femmes avec des profils techniques.
  • Contributrice pour Jenkins, grande convaincue que je suis des bienfaits de l’Open Source pour notre industrie et au-delà …
  • Animatrice chez MixTeen https://mixteen.org/ une association d’apprentissage du code aux enfants.
  • Maman de deux garçons très énergivores, en cours d’apprentissage de mes propres limites de maman !
  • Bassiste dans un groupe pop/rock “TaffBreak”.
  • Eleveuse de tomates à mes heures perdues et par conséquent avec une conscience accrue de la météo, du climat et plus particulièrement des périodes de canicule et de sécheresse : vous m’entendrez sauter de joie quand il pleut ! NDLR: Et nous, nous voulons aussi le voir !

Féministe par la force des choses, je ne l’assume que depuis que j’ai compris que la définition c’était la lutte pour l’égalité des genres. Sujet auquel je me suis intéressée à la fois parce que c’est ce qui est attendu des développeuses par leurs collègues masculins, et que tu n’as pas vraiment le choix … et aussi pour comprendre les injustices rencontrées. J’ai grand plaisir à débattre du sujet avec les consciences éveillées, je n’ai en revanche pas l’énergie nécessaire pour convaincre les diversito-sceptiques !

Et aujourd’hui, quelle fonction exerces-tu ?

Je suis en train de changer d’entreprise, mais dans tous les cas je suis Software Engineer, travaillant en full remote depuis mon domicile ou un espace de coworking. Je développe, conçois et effectue la maintenance d’applications en production. Je participe aussi activement à l’outillage autour du développement et de la production: intégration continue, déploiement continu, tableau de bord des métriques de production et tests de performance. De par mon expérience senior, voire très senior, j’aime aussi accompagner les juniors dans leur progression technique et professionnelle.

Quel parcours t’as amenée à cette profession ?

J’ai débuté mon orientation en seconde, à Narbonne, en choisissant un bac S avec option “Informatique”. A partir de ce moment, j’ai basculé dans un environnement massivement masculin. Nous n’étions que trois filles, sauf en sport : étant donné que cette discipline était en non mixité, nous étions regroupées avec des classes très féminines où nous ne connaissions personne.
J’ai ensuite continué sur ma lancée avec un bac S Option Technologie Industrielle (aujourd’hui appelé “Sciences de l’Ingénieur”). Je crois que ma matière préférée était alors l’automatisme et les diagrammes d’état, ou peut-être bien aussi la mécanique quand il fallait dessiner les pièces en 3 dimensions.

Au moment de l’orientation post bac, je voulais rapidement “gagner ma vie toute seule”. Aussi, les conseils de mon professeur de physique/chimie qui me disait d’intégrer une “prépa” m’ont paru très flous à cette époque. Et puis être ingénieure me paraissait totalement inatteignable : c’était pour des gens bien plus intelligents ! C’est pourquoi je me suis plutôt inscrite en IUT d’informatique à Montpellier avec l’idée de continuer les arts du spectacle en tant que loisir en parallèle.

A l’IUT j’ai découvert l’informatique “sous le capot” et je me suis régalée ! J’avais de très bonnes notes sans pour autant être major de promo. Je reconnais que j’ai eu la chance incroyable de côtoyer des personnes en reconversion qui suivaient le cursus de l’IUT via l’ANPE et qui ont été de très bon conseil. Au regard de mes notes, ils m’ont fortement encouragée à continuer et tenter d’intégrer une école d’Ingénieur, tant que j’étais encore étudiante. J’ai donc postulé à l’INSA de Toulouse, Polytech’Montpellier, et Polytech’Grenoble, dont le programme me plaisait vraiment beaucoup.

Mon expérience de l’INSA de Toulouse a été catastrophique: nous nous sommes perdus sur le périphérique et je suis arrivée avec plus d’une heure de retard pour l’écrit ! Sans surprise je n’ai pas été reçue. J’ai rapidement été sélectionnée sur dossier pour Polytech’Montpellier mais j’ai préféré passer un entretien à Grenoble. J’ai attendu jusqu’au 29 août pour recevoir une réponse positive et effectuer ma rentrée au 3 ou 4 septembre !

Le premier mois j’ai cru que je m’étais trompée et que je n’allais pas pouvoir suivre. Le professeur de mathématiques qui était censé faire une mise à niveau, nous à balancé un programme de prépa duquel je n’avais aucune notion dans mes bagages … à l’instar d’un petit tiers de l’assemblée d’ailleurs. “Vous trouvez que ça va trop vite ? Alors accrochez vous parce que ça va aller encore plus vite !” a-t-il rétorqué à ceux qui demandaient quelques explications, se fendant au passage d’un air magistralement hautain. Heureusement c’est vite passé à la logique et à l’informatique et de nouveau j’ai eu de très bonnes notes, voire même de meilleures notes que la plupart des personnes issues de prépa … petite revanche personnelle. C’était dense en horaires et en travail personnel, mais j’y ai rencontré des personnes avec qui j’ai tissé des liens très forts, dont un en particulier que j’ai épousé quelques années plus tard.

Mon diplôme d’Ingénieur en poche, j’ai cherché du travail pendant “l’éclatement de la bulle Internet”. L’entreprise dans laquelle j’avais fait mon stage voulait m’embaucher, mais à un salaire tellement bas pour un diplôme d’Ingénieur qu’après une longue hésitation j’ai refusé . Et finalement j’ai trouvé un poste chez Worldline à Lyon: avec mon mari nous avons fait nos bagages, rempli la twingo de cartons et quitté Grenoble pour Lyon.

Je suis restée 12 ans chez Worldline, passant du développement mobile au script perl en faisant un petit crochet par la gestion de projet pour terminer au poste “d’architecte de production” c’est à dire d’experte technique transverse sur un département. J’aime à dire que dans cette entreprise j’y ai fait plus de projets que d’années. J’ai développé la première version iPhone d’une banque Française très célèbre, puis j’ai fait une pause de 3 mois de congés maternité pour revenir développer la même application sur Android. J’ai eu l’occasion de participer à de grands projets “Grand public” à très forte affluence, en faisant de la big data avant que le mot ne soit inventé. J’ai aussi fait partie de projets très sécurisés avec chiffrement durant lesquels j’ai pu découvrir des protocoles assez rares comme le principe de “Cérémonie des clefs”.

Le slogan de Worldline était “Build and Run” c’est-à-dire qu’au sein de l’entreprise, les développeurs sont aussi mainteneurs de la production, et je crois que c’est un équilibre qui me correspond très bien.

J’ai rencontré des personnes qui ont boosté ma carrière, qui ont vu en moi de l’expertise technique au moment où je ne l’envisageais pas. J’ai fait partie de la filière expert de Wordline, puis animé pendant quelques années un “labs” c’est-à-dire un temps libre pour les développeuses et développeurs qui le souhaitent, destiné à créer des outils ou s’autoformer en dehors des projets clients. Worldline m’a aussi permis de découvrir l’univers des conférences en France et à l’étranger comme Devoxx Anvers ou MiXiT. En fin de parcours chez Worldline j’étais l’experte technique pour tout un département, c’est à dire 3 à 4 équipes de développement. J’étais par conséquent garante de la mise en place des projets, de la qualité et de la qualité de la production, ce qui comprend également la formation et l’accompagnement des développeurs dans les équipes.

Et l’Open Source dans tout ça ?

J’ai depuis longtemps une curiosité et une forte attirance pour l’Open Source. Mon PC personnel est sur Linux depuis l’IUT et j’ai même imaginé un moment contribuer à Tux Guitar. Aussi lorsque deux amis on frappé à ma porte pour me proposer de contribuer à l’écosystème Jenkins en rejoignant CloudBees, mon coeur a bondi. La contribution Open Source ça m’avait toujours intriguée et attirée mais je suis du genre à aimer le grand air, et le weekend j’ai besoin de sortir voir la nature et faire des trucs funs.

Et puis je suis maman de deux enfants. J’ai été maman relativement tôt pour ma catégorie socioprofessionnelle et jusqu’à très récemment, je n’avais pas plus d’une demi heure de tranquillité à gauche et à droite. A peine le temps d’allumer un PC ! Alors comment coder quand on est interrompue toutes les cinq minutes par des cris ou des demandes ? Pour cette raison, découvrir l’univers de l’Open Source et le pratiquer sur mes heures de travail a vraiment été une belle aventure :

  • J’ai principalement travaillé sur des plugins propriétaires de Jenkins;
  • J’ai aussi eu l’opportunité de réaliser de belles contributions Open Source dans le coeur même de Jenkins, dont je suis très fière;
  • J’y ai aussi découvert le fonctionnement d’une communauté Open Source : j’y ai rencontré des développeurs ainsi que des collègues brillants et attentionnés, qui m’ont permis de grandir et traverser des tempêtes;
  • J’y ai croisé aussi une Product Owner formidable, un nouveau rôle modèle pour moi dans l’engagement féministe et anti raciste.

En bonus, grâce à la communauté active de Jenkins j’ai eu l’honneur de participer à SheCodeAfrica (shecodeafrica.org) et réaliser du support technique aux femmes africaines qui ont participé au programme de contribution à Jenkins. Encore une fois sur mes heures de travail, sinon je n’aurais clairement pas pu le faire.

En démarrant avec CloudBees, j’ai aussi basculé dans le full remote six mois avant le Covid: j’y avais posément réfléchi, et j’ai sauté le pas à ce moment-là. Je dois dire que depuis je n’ai absolument aucune envie de retourner à 100% au bureau à Lyon ! J’habite à 30 kilomètres et les bouchons de l’autoroute ne me manquent pas du tout, pas plus que les TER bondés qui terminent leur service trop tôt pour me permettre de rentrer chez moi après un afterwork. Notez que travailler en full remote ne signifie pas forcément travailler à 100% du domicile. Je vais en effet régulièrement dans un espace de coworking à dix minutes de chez moi. Et aujourd’hui je suis sur le point de démarrer une nouvelle aventure Open Source !

Quelles compétences techniques sont essentielles pour réussir dans ton métier ?

J’aime comparer l’informatique à la médecine car cela parle à tout le monde : les spécialistes sont experts de leur domaine et les médecins généralistes, qui détiennent une connaissance plus globale mais moins approfondie, font le lien entre les différentes expertises. Je me considère donc comme médecin généraliste de l’informatique en expertise transversale, disposant d’un nombre important d’outils dans ma sacoche :

  • J’ai fait principalement du Java / Spring en développement côté serveur;
  • Je manipule beaucoup Docker;
  • J’ai énormément approfondi Kubernetes;
  • Je navigue aisément en ligne de commande Linux;
  • J’utilise grep régulièrement, vi quotidiennement et awk de façon ponctuelle.
  • Côté front-end j’ai fait principalement du backbonejs et un peu d’emberjs.

Et selon moi, Git est indispensable, que vous soyez développeuse ou ingénieure système et réseaux, ou encore que vous rédigiez des documentations techniques.

Tu nous partages un exemple de défi technique que tu as relevé avec succès ?

J’ai récemment appris Kubernetes seule et ce n’était pas une mince affaire !

J’ai bien tenté une demande de formation en présentiel ou en visio, et ce à deux reprises dans deux entreprises, mais ça n’entrait pas dans les budgets. J’ai donc opté pour des formations en ligne en autonomie, ce dont j’ai très peu l’habitude et qui n’est pas vraiment pas mon mode de fonctionnement nominal. En effet, en temps normal, je regarde peu de vidéos, majoritairement sans le son et avec les sous titres, je ne suis que très peu de podcasts, et lorsque j’écoute de la musique c’est principalement pour travailler ma basse.

Quand je suis en formation en présentiel, je n’ai pas de PC sous la main et je gribouille sur un cahier, pour rester concentrée sur la voix. Mais en vidéo pré enregistrée, le clavier étant trop près de moi, j’ai des difficultés à ne pas l’utiliser et puis mon esprit s’évade rapidement. J’ai donc dû trouver des techniques pour ne plus recommencer dix fois la même vidéo parce que j’avais décroché.

  • Par exemple pour les moments très théoriques j’ai enregistré les vidéos sur mon téléphone en utilisant un brassard de sport pour avoir les mains libres, utilisé un casque osseux pour une qualité de son optimale, et je suis allée occuper mes mains: désherber les fraisiers ou faire des machines à laver.
  • Et les jours de coworking, je restais debout à un mètre du clavier. Tout le monde était surpris et je conçois que je devais avoir l’air étrange, surtout lorsque j’ai dû expliquer que je suivais “juste” une formation.

Par la suite j’ai complété cette formation avec une pratique accrue et la lecture de la documentation officielle. Aujourd’hui, je n’irais pas jusqu’à dire que je maîtrise, mais je suis à l’aise pour naviguer dans les clusters, les pods et les namespaces !

Comment gères-tu les stéréotypes de genre dans l’IT ?

Mal … de plus je crois que je n’ai pas travaillé avec une femme depuis quatre ans, j’ai donc du mal à me prononcer sur le sujet.

Quels outils ou langages de programmation recommandes-tu pour ceux et celles qui débutent dans le développement ?

  • Utilisez un IDE adapté à votre langage de programmation et ajoutez les plugins qui vous semblent adéquats : vous gagnerez un temps énorme à éviter les fautes de syntaxe;
  • Concernant Java, j’utilise pour ma part principalement IntelliJ;
  • Concernant les les scripts, le yaml, ou docker j’utilise surtout VSCode;
  • Pour ceux qui font du kubernetes, investir sur k9s vaut vraiment la peine, c’est un super outil.

Après je suis très adepte de la ligne de commande, donc je n’ai pas d’outil à recommander en particulier. Pour Git par exemple, j’utilise le Shell Linux et vi. Ah si et pour le Shell j’aime beaucoup Oh my zsh !

Quel message adresserais-tu à celles qui aspirent à rejoindre la Tech ?

Il y a beaucoup d’argent à gagner, y’ a pas moyen de ne laisser ça qu’aux gars !

Et puis avec les années d’expérience, votre profil sera de plus en plus recherché et vous pourrez choisir l’entreprise sur deux grands axes, en fonction de ce qui vous motive:

  • le confort de vie : comme exemple non exhaustifs on peut trouver le télétravail, la semaine à 4 jours, les horaires flexibles, plus de congés que le minimum légal, le droit de travailler depuis l’étranger six mois par an, un salaire élevé.
  • les domaines qui vous correspondent : comme exemple non exhaustifs je citerais le climat, la lutte contre les discriminations, l’open source, l’accessibilité, le médical, le social, la lutte contre la corruption ou les lobbies.

Comment perçois-tu l’évolution de la diversité des genres dans la Tech ?

Ça stagne.

Il existe vraiment une grosse résistance de personnes “qui ne voient pas pourquoi on forcerait les femmes à exercer un métier dont elles ne veulent pas”. Mais si ces personnes faisaient l’effort de consulter la data, c’est à dire lire quelques études et analyses sociologiques, elles constateraient que ce ne sont pas les femmes qui refusent les métiers dans l’IT, mais plutôt qu’elles en sont exclues à tous les stades de la scolarité et de la carrière.

Ceci étant dit, on parle beaucoup plus de diversité des genres dans le secteur, et les femmes s’affirment également davantage. Je pense donc que les lignes sont quand-même en train de bouger. D’ailleurs, je suis admirative de la nouvelle génération de jeunes femmes qui débarquent et ne mâchent pas leur mots ni ne se laissent faire. Souvent je me dis que les personnes bloquées sur leur humour sexiste, et bien il va falloir qu’elles s’accrochent parce que ça va secouer !

Je suis une grande idéaliste et je suis convaincue que les entreprises qui n’embrasseront pas la diversité, pour de vrai pas juste en image externe, resteront coincées dans le passé, s’écrouleront petit à petit, puis disparaîtront. Toutes les études montrent que des équipes et des directions d’entreprises plus diverses sont plus performantes. Aussi, si l’on pousse cette théorie au bout, statistiquement parlant, les entreprises les plus réfractaires à la diversité, et donc les moins performantes, devraient s’auto saboter.

Comment encourages-tu les étudiantes et femmes en reconversion dans la Tech ?

Je n’ai pas eu trop l’occasion d’en croiser dernièrement, mais j’ai constaté que les dernières entreprises dans lesquelles j’ai travaillé étaient réticentes à engager des juniors.

Je leur dirais donc que même les seniors ne savent pas tout et continuent à poser beaucoup de questions, à se former et à s’informer. Un bon environnement pour progresser et s’épanouir c’est un environnement où les questions sont les bienvenues.

Quel est l’importance de ton métier dans le monde moderne ?

J’aime à croire que je facilite la vie des gens. Je sais que pour beaucoup, l’informatique fait peur à cause de ses algorithmes mystérieux et ses bugs. Mais cela permet aussi de fluidifier les regroupements d’information, simplifier certaines démarches et retirer les biais humains de certaines applications ou de règles.

Je regrette que les algorithmes et applications d’Etat ne soient pas systématiquement Open Source: en effet, l’Etat c’est nous ! Non seulement les citoyens devraient avoir un droit de regard, mais de plus je suis sûre qu’ils pourraient apporter des contributions de qualité et de l’innovation dans les outils administratifs. Attention je ne parle pas d’exposer les données personnelles, mais bien de partager des algorithmes, du code qui est exécuté.

  • Imaginez par exemple des centaines de milliers de développeuses et développeurs qui sont à la fois citoyens français et parents, qui pourraient contribuer à faire de Parcours Sup un outil transparent, avec une couverture de tests digne de la Nasa !

  • Supposez maintenant que les algorithmes de calcul des impôts soient Open Source et que les citoyens puissent être force de proposition pour des impôts plus justes à base de tests fonctionnels exécutables. Cela permettrait de rétablir la confiance entre les humains et l’informatique … enfin je pense.

Quels sont les défis que tu as rencontrés en tant que femme dans un domaine masculin et comment les as-tu surmontés ?

Mon plus gros défi à l’heure actuelle c’est le paradoxe de l’hyper visibilité / l’invisibilisation.

Je suis hyper visible car je progresse dans une carrière technique et suis souvent parmi les rares femmes présentes.

  • Je ressens cette pression que mes erreurs pèseraient par généralisation sur toutes les femmes;
  • Je suis la sociologue de service désignée de fait dès qu’un sujet “de genre” est posé;
  • J’ai fréquemment l’impression d’être une extra-terrestre, un truc qui n’existe que dans les contes pour enfants.

A ce titre, j’ai du entendre des remarques du genre :

“Wouaw, tu comprends quand je parle de kubernetes et tu es une femme ! Super !”

ou bien encore

“Depuis que tu as rejoint l’équipe y a un gros changement !

–Ah bon, lequel ?

– Bah t’es une femme.”

J’ai aussi le souvenir du malaise ressenti lorsqu’un de mes anciens collègues à pris la stagiaire de son équipe par le bras et l’a limite traînée de force jusqu’à moi en me disant “Regarde on a une fille dans notre équipe, t’es contente hein !”.

Quant à mon invisibilisation, elle concerne tout ce qui a trait aux réalisations techniques, qui compte pour la carrière et qui a tendance à passer à la trappe :

  • On m’oublie pour fêter les succès auxquels j’ai massivement participé;
  • On m’oublie quand il s’agit de parler d’une co-organisation d’évènement devant la totalité des employés de l’entreprise;
  • On m’oublie quand il s’agit des promotions.

Alors cela n’arrive pas 100% du temps, sinon j’aurais quitté l’IT, mais c’est quand même très fréquent, bien plus que pour mes collègues masculins avec lesquels j’ai l’occasion d’en discuter.

Ma première défense pour me prémunir de cette invisibilisation technique est l’écrit:

  • Je rédige des statuts sur mes avancées auprès de mon manager;
  • Dans l’outil d’entretien de performance annuelle, je liste un maximum de réalisations;
  • Je remonte l’historique git, jira ou email pour ne rien oublier, même des choses qui semblent “petites”, parce que si je les oublie, personne ne s’en souviendra à ma place;
  • J’essaye de produire des posts lorsque l’entreprise dispose d’un blog.

Il est également important d’essayer de s’entourer de sponsors, qui vont citer votre nom à gauche et à droite dans des réunions.

Ma seconde technique consiste en l’esquive du glue work (ref https://noidea.dog/glue ), un comportement que je copie allègrement sur celui des gars.

Je m’explique : j’ai tendance à vouloir aider, faire ma part du travail etc… Aussi, pour peu qu’il y ait quelques secondes de silence dans l’assemblée, je me proposais pour effectuer des tâches annexes, nécessaires mais pas très fun. Ainsi, je “prenais ma part” des corvées sans valeur ajoutée.

Mais en face, non seulement les managers n’ayant pas travaillé sur le biais de genre demandent facilement aux femmes de l’équipe de faire ces tâches non valorisantes pour la carrière, mais également, la plupart des gars n’ont vraiment aucun scrupule à dire “non j’ai pas envie, je ferais pas” ou faire le mort pour esquiver “leur part de corvée”.

Désormais sur les tâches du board j’essaye de prendre majoritairement des tâches “de carrière” comme des nouvelles features ou des analyses techniques. Et en réunion, rester silencieuse représente encore pour moi un réel un effort, mais je laisse à la personne chargée de la décision de faire son choix parmi les poissons rouges qui esquivent la tâche ! Et si c’est moi deux fois d’affilée, je le dis tout haut “Je peux, mais je l’ai fait la dernière fois et j’estime que ça devrait tourner un peu plus dans l’équipe”.

A Rome, parfois il faut faire comme les Romains !

Peux-tu partager des initiatives visant à promouvoir la diversité dans la Tech auxquelles tu as contribué ?

Cool, je vais pouvoir parler de mon engagement auprès de Duchess et MixTeen !

J’ai très envie de changer complètement le monde actuel, mais il y a beaucoup de travail et je constate que je n’ai pas du tout la force d’aller faire changer d’avis les diversito-sceptiques. Je suis admirative de celles et ceux qui arrivent à le faire et c’est un travail nécessaire, mais mon énergie je la concentre ailleurs: j’ai choisi mon combat.

Ma façon de faire avancer les choses c’est donc de me mettre au services des femmes qui sont déjà ou qui arrivent dans la Tech que ce soit par la porte d’entrée ou par la fenêtre.

En cela, l’association Duchess-France, destinée à valoriser et promouvoir les développeuses et les femmes avec des profils techniques, est un bon moyen d’action. C’est un réseau assez connu, particulièrement des écoles de reconversions. Nous sommes toute une équipe d’organisatrices autour de sujets et d’actions divers.

Le premier axe sur lequel je travaille est la mise en lumière des femmes sur la page “oratrices” du site www.duchess-france.fr, que je mets régulièrement à jour avec une liste de ressources publique, permettant aux organisatrices et organisateurs de conférences de trouver des idées pour aller chercher des oratrices.

Le second axe c’est le réseautage: je participe activement à la modération et l’organisation du Slack Duchess sur lequel échangent plus de 600 personnes. L’idée est que chacune puisse trouver du soutien dans les moments difficiles, fêter les petits comme les grands succès, partager des astuces ou s’entraider sur de la technique.

  • Une bonne partie des publications concerne la carrière et l’emploi, allant de la relecture de CV aux conseils de carrière, en passant par les questions de droit du travail.

  • Un nombre important de publications féministes y sont partagées également.

  • Plus récemment nous y avons ajouté un point d’entrée pour les offres de stage, d’alternance ou de premier emploi car le plus difficile pour les femmes nouvellement arrivées, c’est le démarrage. Une fois que les 2 ou 3 années d’expériences sont acquises ça se passe beaucoup mieux, mais avant cela il faut trouver une entreprise qui a l’envie et les moyens de prendre des juniors issues de la reconversion ou pas, et ce n’est pas facile.


Enfin j’essaye aussi de participer aux offres de formations, ainsi qu’aux diverses demandes de partenariat, avec les organisateurs de conférences par exemple.

Concernant MixTeen : c’est une association dont le but est de faire découvrir le code aux enfants de façon ludique, et évidemment quelque soit le genre. Le nom de l’association tient à sa naissance : c’est pendant une édition de la conférence MiXiT que l’idée est venue de faire des goûter du code et il y a toujours une édition de MixTeen pendant les jours de conférences MiXiT avec un applaudissement des enfants dans l’amphithéâtre des keynotes.

Te vois-tu toujours dans la Tech dans 5 ans ?

Je crois que oui.

Quel poste souhaites-tu occuper dans 10 ans ?

Sans hésiter Principal Software Engineer ou Tech Lead, en tout cas un poste qui permet de rester une main dans le code l’autre dans la production tout en ayant une évolution de carrière !

As-tu identifié une méthode, une démarche pour briser le plafond de verre dans la Tech ?

Non pour l’instant c’est mon crâne qui a des bosses. Aïe !

Selon toi, peut-on atteindre une parité dans la Tech ?

Je ne pense pas qu’on puisse atteindre la parité dans la Tech. Déjà parce que les problèmes de climat et de minerai rare vont nous rattraper avant: je ne suis franchement pas sûre que “la Tech” soit encore là dans 200 ans.

Pour en revenir à la question, la parité est un objectif noble mais demande des changements profonds et structurels de la société, qui ne peuvent se faire qu’avec le passage de plusieurs générations.

J’ai l’esprit pratique et aime plutôt partir de l’état actuel des choses. Je pense que l’urgence aujourd’hui c’est que tout le monde se sente bien dans la Tech: les femmes comme toutes les autres personnes sous représentées. Et rien que pour ça il y a déjà pas mal de boulot !

Quelle est ta passion en dehors de la Tech ?

Les tomates ou la basse électrique ? Dur de choisir…

La musique m’accompagne depuis longtemps. J’ai commencé par la guitare sèche quand j’étais ado parce qu’il y en avait une à la maison. Il n’y avait pas Internet à l’époque donc j’ai appris avec des livres, en grande partie grâce au diapason rouge qui est un recueil de chansons populaires avec des accords simplifiés très connus dans l’univers scout et colonies de vacances. Puis un jour dans l’entreprise ou je travaillais, des personnes ont voulu monter un groupe, et je me suis inscrite direct. Et là on s’est retrouvés un peu bêtes avec plein de guitares et aucun autre instrument ! Un gars à troqué sa guitare contre la batterie, moi j’ai troqué ma guitare contre la basse.

La légende raconte que j’aurais dit “Ok mais ce n’est que pour un temps, pour dépanner”. Au final je ne l’ai plus jamais lâchée ! Ça fait 15 ans je crois. De ce groupe de collègues est né le groupe TaffBreak. Et cette année j’ai décidé de passer un nouveau cap : je me suis inscrite dans une école de musique!

Le jardinage et les tomates c’est beaucoup plus récent, déjà parce qu’il faut un jardin et qu’on a habité un appartement pendant 10 ans. J’ai grandi en passant du temps l’été chez mes grand parents qui étaient tous les quatre à la retraite et férus de jardinage. Je pense donc que cela me trottait en tâche de fond dans la tête.

Mais le vrai déclic, ça a été le premier confinement. On avait du mal à trouver de la farine et des œufs, aussi, je me suis mise à planter plein de trucs : des noyaux d’avocats, du gingembre, des graines de tomates cerises. Depuis j’agrandi chaque année la taille du potager, et je me mets à garder les graines pour semer l’année d’après les tomates, les poivrons, les courges et les courgettes.

Dans un coin de ma tête je me dit que si une guerre climatique et une pénurie de nourriture éclataient, apprendre aujourd’hui à produire un peu permettrait de passer à l’échelle et de réaliser une production plus importante si besoin.

Prends-tu déjà la parole sur des sujet Tech / digital ?

Pas vraiment et c’est un choix réfléchi de ma part.

Pour commencer je ne suis pas une grande voyageuse, j’aime bien aller à une ou deux conférences par an mais pas beaucoup plus. Je ne me vois pas voyager tous les mois ou plusieurs fois par mois comme je vois certaines personnes le faire: je suis vraiment bien chez moi.

Ensuite je ne suis pas du tout convaincue que ça m’amènerait du bonheur vis à vis de ma personnalité. Je suis beaucoup plus à l’aise à l’écrit qu’en personne, et durant certaines périodes j’ai un grand besoin de solitude. Je n’aime pas trop les endroits peuplés, et encore moins après le Covid.

Autre point important : je n’ai que très peu de temps personnel.

Avec les contraintes familiales et mes passions je n’ai basiquement que les horaires de bureau pour me former ou préparer des présentations. Prendre la parole en public, c’est beaucoup de préparation, que ce soit pour les call for paper ou la présentation en elle-même. Pas mal de stress et de prise de risque que chaque mot soit inspecté à la loupe.

Je ne suis pas non plus à l’aise avec les personnes qui viennent imposer leur point de vue en fin de session ou même pendant le reste de la conférence, et je n’ai pas forcément envie de passer sous la critique des participantes et des participants. Quand je vois certaines rock star de notre milieu et ce que particulièrement les femmes endurent, j’ai l’impression de ne pas être câblée pour tout ça.

Enfin je pense qu’il y a plusieurs façons de faire carrière.

Prendre la parole en conférence ou interview c’est un aspect, certaines personnes brillent particulièrement par ce côté là et tant mieux, je ne suis pas complètement fermée non plus. J’ai eu fait quelques conférences techniques et participé à des tables rondes mais aujourd’hui j’ai plus envie de dépenser mon précieux temps sur des réalisations concrètes et l’apprentissage toujours plus pointu techniquement.

En résumé: j’ai envie d’étoffer mon profil GitHub bien plus que d’étoffer mon profil YouTube!

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yeeso est une association loi 1901, lancée en mars 2023 sous le nom d’IT Woman Movement. yeeso veut dire Avenir en peul, langue maternelle de la cofondatrice.

Nous oeuvrons pour l’équité professionnelle Femmes – Hommes, en particulier dans le domaine d’avenir qu’est le numérique. 

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